Le siège des Dieux
Située à une quarantaine de kilomètres au nord de Kermanshah, sur l’ancienne route marchande reliant la Mésopotamie au Haut plateau iranien, la montagne de Behistun culmine à environ 2300 mètres et présente un aplomb vertical de quelque mille mètres de hauteur. Visible à plus de 30 km, cette énorme masse rocheuse a vu passer, au cours des millénaires d’innombrables hordes, de multiples armées, dont celles du roi Darius, d’Alexandre le Grand, des Parthes, des Sassanides en lutte contre Rome et Byzance, des envahisseurs arabes puis des Mongols déferlant des steppes de l’Asie Centrale.
D’après les découvertes archéologiques, Behistun – en vieux perse : Bagistana « le siège des Dieux »- était occupé bien avant l’époque des Achéménides. Des grottes datant du paléolithique attestent de l’occupation de la vallée et du site dès le Xème millénaire avant J.C.
Le bas-relief de Darius
Taillé dans la falaise rocheuse, à une centaine de mètres au dessus du sol, le bas-relief que Darius commanda quand il monta sur le trône de l’Empire perse, en 531 av. J.C, représente le souverain tenant un arc et écrasant le torse d’un homme allongé sur le dos, probablement Gaumata, le mage mède prétendant au trône. Darius, d’une stature plus grande que les autres personnages est suivi de ses fidèles guerriers porteurs de lances et de boucliers. La divinité Ahura Mazda plane au dessus des figures des rois imposteurs vaincus et enchaînés.
Sous le bas-relief et autour de lui, trois textes retracent l’histoire des batailles que Darius dut livrer en 521-500 contre les gouverneurs qui tentèrent de diviser l’empire fondé par Cyrus. Ils sont écrits respectivement en élamite ancien, babylonien et vieux persan utilisant des caractères cunéiformes. C’est l’unique inscription monumentale achéménide connue sur la refondation de l’empire par Darius.
Les amours de Farhad et Shirin
Nizami, un poète persan du XIIème siècle, fait allusion dans une de ses œuvres aux amours d’un certain Farhad, le grand architecte du roi Khosroès II, qui pour conquérir l’amour de la belle Shirin consacra sa vie à la réalisation de plans gigantesques, dont une route qui franchit la montagne de Behistun. Les historiens persans du XIVème siècle racontent que Farhad, pour construire cette route fit tailler dans les rochers qu’il extrayait d’énormes blocs de pierre de dimensions égales dont il se servit pour construire un mur de soutènement aux pieds de la montagne éventrée. Une miniature du XVIème siècle, conservée à la bibliothèque Bodleian d’Oxford, représente le couple au pied du rocher et aux alentours les énormes blocs de pierre.
Redécouverte du site
A la fin de l’empire achéménide, les origines du monument de Darius tombèrent dans l’oubli.
Les européens commencèrent à visiter le site à partir du XVIème siècle. En 1818, R.Ker Porter qui avait tenté en vain d’escalader la façade rocheuse de la montagne écrivit que les bas-reliefs devaient être l’œuvre du roi Salmanazar. En 1837, le major Henry Rawlinson copia et déchiffra les inscriptions cunéiformes, imité par Edward Hincks, prêtre et explorateur irlandais. Mais, la plus grande contribution à l’étude du site fut apportée par le Professeur Dr Heinz Luschey, directeur du Deutsches Archäologisches Institut à Téhéran qui, grâce à un échafaudage put examiner de près le bas-relief et publia un article très documenté dans la revue Archéologia de septembre-octobre 1967.