Présentation
Troisième ville d’Iran par le nombre de ses habitants (plus de 3 600 000), après Téhéran et Mashad, Ispahan est située dans le centre du pays, au cœur de l’aride plateau iranien, à l’est de la chaîne des Zagros, à 1574m d’altitude. Arrosée par le Zayandeh rud (dont le nom signifie : rivière qui donne la vie), la ville occupe une position stratégique au centre des routes qui traversent l’Iran du Nord au Sud et d’Est en Ouest, sur les routes commerciales entre la Chine et l’Empire ottoman et entre le Golfe persique et la Russie. La fertilité des terres qui l’entourent, son climat rendu plus frais par l’altitude ainsi que la présence d’eau en abondance dans un pays aride ont été des éléments déterminants pour son développement et sa survie.
Histoire
Période pré-islamique
La période de fondation de la ville est encore incertaine, mais il est admis qu’elle était le centre d’une des provinces de l’empire Sassanide, un siège militaire qui se serait appelé Aspahan. Selon des historiens et géographes arabes des débuts de la période islamique, Ispahan consistait alors en deux sites peu éloignés : Jay, le siège des gouverneurs sassanides et Yahoudiyeh, la ville juive. Jay devrait son origine à Khosro Ier qui aurait fait construire des bâtiments dans une enceinte fortifiée possédant des tours tous les cinquante mètres ainsi que quatre portes situées sur la trajectoire saisonnière du soleil. Le nom Yahoudiyeh a pour origine le peuplement juif de la ville. La colonie juive pourrait dater du temps de Nabuchodonosor, quand des juifs se seraient installés dans un endroit appelé Ashkahan qui est toujours le nom d’un des quartiers du vieil Ispahan. Il est également très probable que l’empereur sassanide Shapur Ier ait déporté plusieurs milliers de familles juives arméniennes vers 386, afin de pouvoir asseoir son pouvoir sur leur pays.
Après la conquête arabe, la ville connut des fortunes diverses. A partir de 772, le gouverneur abbasside de la région établit son siège dans un village à proximité de Yahoudiyeh. L’année suivante voit la construction d’une mosquée du vendredi et d’un bazar. En 935, la région tombe sous la coupe des Bouyides, une dynastie musulmane d’origine iranienne, qui en font le centre politique de leur territoire. Ils érigent un mur de fortification à 12 portes, une mosquée, une citadelle, une bibliothèque et agrandissent le bazar. A cette époque, les différents quartiers de la ville fortifiée correspondent aux anciens villages de l’oasis d’Ispahan.
Au cours de l’invasion des Seldjoukides, Ispahan est détruite et il faut attendre 1073 pour que Malik Shah arrivé au pouvoir reconstruise la ville et en fasse sa capitale. C’est alors une période de grande prospérité pour la ville, sous l’impulsion de Nizam al-Mulk, le célèbre vizir de Malik Shah. Elle devient un important centre artistique et scientifique avec des écoles qui rayonnent sur le monde musulman. Omar Khayyam dirige l’observatoire et crée le calendrier persan qui est encore utilisé aujourd’hui. Ispahan est prise par les Mongols vers 1244 mais ne souffre pas de destructions. En 1387, Tamerlan veut imposer un tribut à la ville qui se rebelle et refuse de payer. Il la fait mettre à sac et ordonne à son armée de décapiter 70 000 habitants pour construire une colonne avec leurs crânes.
Le renouveau de la période safavide
L’avènement en 1588 de Shah Abbas Ier, grande figure de la dynastie des Safavides, marque le début de la renaissance d’Ispahan redevenue capitale, à la place de Qazvin en 1597-1598. Shah Abbas commence par déplacer de force plusieurs milliers d’Arméniens harcelés par les Turcs au Nord-Ouest de l’Iran et les installe à Ispahan où il les autorise à construire leurs églises. Il planifie lui-même l’urbanisme de sa nouvelle capitale dont il veut faire un centre culturel qui éblouira les voyageurs des pays occidentaux avec lesquels il développe des liens diplomatiques. Conservant les éléments existants de la vieille ville, il les intègre à son projet d’ensemble. Il reprend les fonctions principales de l’ancienne place centrale mais porte ses dimensions à 510m de long sur 164m de large. Celle-ci est entourée des bâtiments fonctionnels qui existaient autour de l’ancienne place : deux mosquées au Sud et à l’Est, un palais à l’Ouest et une entrée vers le bazar qui est agrandi pour arriver jusqu’à l’extrémité Nord de la place. Tout autour sont construits des magasins, des entrepôts, des boutiques de libraires, de relieurs et de marchands de cuir. Les marchands d’artisanat se concentrent dans l’aile Est et l’aile Nord accueille les lieux publics : cafés et hôtels.
La zone située à l’Ouest de la nouvelle place rassemble les palais royaux. Une avenue d’apparat longue d’environ 1600 m, bordée de palais et de résidences royales mène à la rivière Zayandeh rud, franchit le pont Allahverdi Khan et conduit à des jardins clos rectangulaires appelés « Jardins des Vizirs ». De nouveaux quartiers voient le jour selon une trame composée de grands ilots rectangulaires. Les Arméniens, du fait qu’ils sont chrétiens ne peuvent pas habiter la ville, ils s’installent à l’extérieur de l’autre coté de la rivière. Les Zoroastriens se regroupent au Sud. Le remodelage complet de la ville permet de distinguer le « vieil Ispahan » et ses ruelles tortueuses du « nouvel Ispahan » qualifié de « création artificielle d’un monarque épris de beauté qui sut allier ses desseins grandioses avec les données préexistantes »
Ispahan devient alors la métropole des arts et des sciences islamiques et le centre de la culture spirituelle de l’Iran. Les souverains safavides qui succèdent à Shah Abbas continuent d’embellir la ville qui comptera, à la fin du XVIIème siècle, jusqu’à 162 mosquées, 48 écoles coraniques, 182 caravansérails et 173 bains publics.
Le déclin
En 1722, une invasion afghane détruit partiellement la ville qui cesse d’être la capitale de l’Iran. Lorsque Joseph Arthur de Gobineau visite le pays au XIXème siècle, il dit que la ville ne compte plus que 50 000 habitants, que « les ruines y abondent et des quartiers entiers ne montrent que des maisons et des bazars écroulés ».
A suivre