Cet après-midi du 27 avril, un millier de personnes s’étaient rassemblées à la Pyramide de Marly-le-Roi pour assister à une conférence internationale sur le massacre commis à Achraf, le 8 avril 2011 par les forces armées irakiennes. L’ambiance était pesante. Le public admis dans la salle bien avant le début des allocutions avait vu et revu sur les écrans les images terribles de la tuerie et en était imprégné. Les intervenants tenaient chacun à leur manière des propos analogues condamnant l’agression, réclamant justice, pressant le département d’Etat américain de retirer au plus vite l’OMPI de sa liste des organisations terroristes.
La conférence se déroulait sans surprise, à son rythme, ponctuée par les acclamations et les slogans d’une foule prompte à manifester ses sentiments. Une place était restée vide à la tribune ; celle d’Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix, retardé comme on l’apprit plus tard par des problèmes de transport. et certains, dans la salle, pensaient qu’il ne viendrait pas. Ils se trompaient ! Avec émotion, Jean-Pierre Spitzer, le « modérateur » de la conférence annonça son arrivée et lui donna la parole. Ce fut un grand moment et un souffle d’air pur fit tomber la tension qui régnait dans la salle. Posément, sans effets oratoires, Elie Wiesel posa les vraies questions : « Comment se fait-il que je ne connaissais pas Achraf jusqu’à il y a quelques mois, quand quelques-uns de vos amis et dirigeants m’ont appelé pour me parler ? Qu’est-il arrivé aux médias, au célèbre New York Times, au Monde et aux chaînes de télévisions ? Faut-il comprendre qu’il y a une différence entre des victimes et d’autres victimes ? Je tiens à comprendre les rédacteurs en chef de ces journaux ou de la NBC. Qu’est-ce qui les fait décider de ne pas parler d’Achraf ? » S’adressant à Patrick Kennedy, autre intervenant, il lui dit : « Vous avez demandé ce que j’ai ressenti en regardant ces images. Je vous le dis, vous pouvez être sûr que ce soir, après avoir vu ce que j’ai vu, je ne dormirai pas. » Il invita ensuite ses collègues et amis du panel à se retrouver, après leur retour aux Etats-Unis, pour témoigner et agir en faveur des résidents d’Achraf dont chacun doit désormais se montrer totalement solidaire parce que, ce qui se passe là-bas « ça ne peut pas continuer, ça ne doit pas continuer. »